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Portrait de Claire Lacombe au musée Bowes ?

Le musée Bowes situé dans le comté de Burhan au Royaume-Uni est l'œuvre d'un couple : John Bowes et son épouse Joséphine Coffin-Chevallier, qui fut connue en son temps comme Mademoiselle Delorme actrice au théâtre des Variétés (Joséphine Bowes, la comédienne devenue comtesse).

Ce musée possède plusieurs portraits de Révolutionnaires dont celui du grand-père de la fondatrice (Un révolutionnaire de province, Nicolas Anne Gabriel Sergent). Un des portraits conservés par le musée est attribué à la Citoyenne Républicaine Révolutionnaire Claire Lacombe.

Portrait dit de Claire Lacombe (Musée Bowes)

Sur le site du musée, concernant cette miniature sur ivoire datant de 1792 et signée Ducare (Référence MIN.15), il y est indiqué, qu'il s'agit de "Rose Lacombe". Ce serait la seule représentation connue d'elle. Mais le fait qu'elle se prénomme Rose et non Claire pose quelques soucis. Pour plus de précisons sur ce sujet, je vous conseille de lire sur le blog de Claude Guillon l'article du 2 juin 2013 Un portrait de Claire Lacombe ?


Après avoir parcouru le moteur de recherche du site du musée, j'ai pu découvrir comment ce portrait fut acquis par ce dernier. Ainsi, on découvre une lettre de 1862 d'un T. Jarry de Paris et adressée à "Madame Bowes". Ce courrier concerne un envoi suite à approbation d'une boite décorée d'une miniature de Rose Lacombe signée par Ducare ou Ducase et datée (lien ici).

Grâce aux archives référencées sur le site du musée, on découvre également quelques indications sur ce T. Jarry. Ainsi, il se prénomme Théodat et habite un temps au 50 rue de Clichy à Paris, puis rue Capron. Il tient un magasin de "curiosités et d'images" au 11, rue Notre Dame de Lorette (mais aussi semble-t-il au 30 rue d'Amsterdam).

En recherchant sur Internet plus d'informations sur ce marchand, on découvre qu'il se prénomme Pierre Théodat, qu'il est née le 21 avril 1826 à Etrechy (Essonne), qu'il se marie le 2 juin 1849 avec Elise Weston paroisse St Nicholas à Brighton, puis à Paris le 31 janvier 1850, époque où il habite au 13 rue Le Peletier. Jarry est un touche à tout, dessinateur, maître de danse, notamment avec son épouse, marchand d'objets de bimbeloterie, marchand d'objets de curiosité (Généanet)....

Journal des faits du 27 mai 1853 (Gallica)

Et, lorsqu'il meurt à Paris le 20 novembre 1864, sur son acte de décès daté du lendemain (Archives de Paris état civil, 18 arrondissement actes de décès du 7 octobre 1864 (acte n° 2351) au 21 novembre 1864 (acte n° 2526) cote V4E 2154, acte 2524) il est indiqué sur un terme plus générique de négociant.


Mais, revenons à la miniature de notre Révolutionnaire, afin de créer leur musée, le couple Bowes durant près de dix ans achète de manière presque frénétique, plus de 15 000 objets et œuvres d'art. Ainsi, ce marchand Jarry leur vend près d'une cinquantaine d'articles. Durant l'année 1862, celle de l'achat du portrait de Claire Lacombe, Jarry leur vend entre autres une soupière en cristal d'époque Louis XIII, des objets en argent dont des protège-ongles provenant des appartements d'une Impératrice chinoise, des moules à gâteaux datant de l'époque de Bernard de Palissy... Un vrai inventaire à la Prévert. Et si on en croit un catalogue de Drouot de 1857 et annoté par Jarry, ce dernier semble fréquenter les salles de vente. Est-ce là qu'il achète cette boite ronde ornée d'un portrait sur ivoire ?

En parcourant Gallica sur la période 1861-1862, je n'ai trouvé aucun catalogue de vente indiquant une miniature de Ducare ou Ducase, ni un portrait de Lacombe. Par contre j'ai noté plusieurs ventes de miniatures d'époque Louis XVI et quelques ventes de lots de tabatières où étaient inclues des boites rondes ornées de miniatures représentant un paysage ou une personne. Ainsi, par exemple, lors d'une vente à Drouot des 3 et 4 novembre 1862, se trouve le lot n°32 qui est une "Tabatière en ivoire, cercle en or entourant une miniature, portrait de femme", lot pouvant correspondre à l'objet recherché. Malheureusement, il est impossible d'en avoir une quelconque certitude. Le mystère sur l'origine de ce portrait demeure donc.



(Gallica)

Mise à jour du 30 mars 2023 :


Suite à échange de mails avec un conservateur du musée Bowes ayant eu l'amabilité de me répondre concernant ce portrait, il semblerait, comme je le supposais, que ce ne soit pas Claire Lacombe.

Voici les renseignements fournis :


"Min.15

Circular portrait of a young lady wearing a white cap and a blue ribbon in her hair, which is in ringlets. She wears a brown-red dress and a white fichu. Inscribed at left: Peint par Ducare en 1792. No frame. (Portrait circulaire d'une jeune femme coiffée d'un bonnet blanc et d'un ruban bleu dans les cheveux bouclés. Elle porte une robe marron-rouge et un fichu blanc. Inscrit à gauche : Peint par Ducare en 1792. Pas de cadre.)

(On back) Note: Rose Lacombe... quand il fut question d'attaquer la royauté jusque dans son sanctuaire, et d'engager la terrible lutte qui devait terminer entre elle et le Peuple toute rivalite par le triomphe de l'une ou de l'autre, Rose Lacombe se dresse de toute sa hauteur, déclare qu'il faut en finir avec le trône, s'arme du sabre et du fusil, et s'élance à côté du Géneral Westermann et à la tête du Bataillon Marseillais à l'assaut des Tuileries. (Tiré des femmes célèbres de la Révolution)."


Texté collé au dos de la miniature et indiqué tiré des "Femmes célèbres de la Révolution"

Le texte reproduit effectivement un passage de l'ouvrage d' E. Lairtullier datant de 1840 "Les femmes célèbres de 1789 à 1795: et leur influence dans la Révolution, pour servir de suite et de complément à toutes les histoires de la Révolution"

Pour les conservateurs, il s'agit clairement d'une Révolutionnaire de 1792, mais peut-être mal identifiée au XIXe siècle. Dans leurs dossiers est conservé un courrier datant de 1996 de l'émérite historien de l'Art Philippe Bordes indiquant que l'identification du modèle n'avait aucune justification particulière.


Je pense fortement, que pour inciter l'achat de ce portrait, le marchand Jarry chercha une attribution prestigieuse. Dans son choix, un critère évident devait être de ne connaître aucune représentation de cette personne. La révolutionnaire Claire Lacombe, qui fut connue un temps sous le prénom de Rose, lui sembla très certainement la personne idéale.

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